Et il tournait encore en rond...[free]

Un drow en bandelettes s'avançait seul dans une rue bondée, emmitouflé dans un gros et vieux manteau tout rapiécé. Il n'avait pas fière allure dans cet endroit, qui n'était vraiment pas une zone qui lui correspondait. Il repassa près d'une ruelle bien connue. C'est ici qu'il s'était arrêté pour pleurer un bon coup, afin de calmer l'une de ses crises d'agoraphobie. Il y avait d'ailleurs rencontré Haku, un mage de glace particulièrement "je-m'en-foutiste" qu'il aimait bien quelque part. En cette heure, les gens circulaient moins. Il était tôt pourtant encore, mais la nuit tombait déjà.
Korii s'était mis en tête d'interpeller toute personne passant à sa portée. Toute personne non armée, non garde, et non visiblement dangereuse. Il leur renvoyait un grand salut, tout sourire et leur demandait ou trouver un bon magasin de vêtements, mais à ses manières un peu trop franches et brutales, les gens lui répondaient hâtivement non.
Oh bout de la dizième il s'énerva réellement.

C'est çaaaa! parce que j'suis drow vous m'faites la gueule hein? Bande de racistes! antisémites!...

Plus bas.

ça veut dire quoi antisémite? Tiens j'l'aime bien c'lui là j'le garde.

Plus haut.

Pochtrons!

Plus bas

Nan celle là est nulle

Plus haut

haut et puis c'est bon de toute manière j'ai besoin d'personne pour m'indiquer mon chemin, mon sens de l'orientation n'ma jamais perdu!

#Bon j'viens d'où d'abord?#

Depuis le début de l'après midi, Ruzankairn, laissant sa bibliothèque aux soins de son assistant, avait décidé de faire le tour du marché, afin d'abord d'acheter un peu de nourriture, mais surtout pour trouver éventuellement quelques livres intéressants pour compléter la bibliothèque. Les événements derniers l'avaient convaincu d'une chose : il devait faire beaucoup de changements dans cette bibliothèque, la restructurer, et ne pas laisser certains livres n'importe où.

Tandis que le jour déclinait, assombri froidement par le noir manteau noctune, le bibliothéquaire s'apprêtait à rentrer chez lui avec bien 100 écus de denrées alimentaires. Aucun livre toutefois, il n'y avait eu, ce jour là, que de vieux ouvrages âbimés sans intérêt.

Il entendit alors une voix très familière, voix qu'il avait entendu pendant des années pousser des cris bien plus implorants. Cherchant son origine, il trouva le Petit frère, visiblement perdu.

"Bonjour petit frère..."

Le drow se raidit en entendant la voix fort connue d'un "pseudo ami?"
Aussi raid qu'un piquet il se retourna, bouche bée, il le savait dans le coin, mais ne s'attendait pas à se faire surprendre ainsi et en pleine rue surtout.
Il grimaça.

Ah... c'est... c'est toi Kairn...
T'ma fait peur qu'est ce que tu fous là? Enfin j'veux dire... euh...

Il observa un peu partout autour de lui.

ça va les affaires?

#Trouves le moyen de te tailler vite fait... et surtout te fous pas à l'écart...#

Kairn s'approcha du petit frère avec ce sourire dépourvu du moindre sentiment et froid comme l'hiver dont il était capable.

"Qu'y a-t-il, petit frère? N'es-tu pas content de me revoir."

Il sembla réaliser quelque chose.

"Ah, c'est vrai, notre dernière rencontre fut un peu mouvementée."

Il faisait ben sûr allusion aux événements de la bibliothèque ou il s'était laissé emporter par sa colère. La suite d'ailleurs n'avait pas arrangé les choses, mais Kairn avait besoin qu'on le croie calme.

Ouais... sans doute... J'suis pas sure que je pensais ç ça à vrai dire ah,ah...
Euh, eh,eh et à part ça hein?

Son rire et sa voix folle le reprenaient, il se concentra, il n'avait pas un physique avantageux, passer en plus pour un fou dans la rue, une rue aux passants n'aimant pas les drows n'était pas forcément une bonne chose.
Il restait crispé. Il connaissait Kairn, comme s'il avait été "son frère" justement. Son sourire inexpressif, ses gestes, ses paroles n'avaient rien de choquant pour lui.
Mais aujourd'hui, il ne connaissait pas ses intentions.
Il décida de mettre les pieds dans le plat.

Alors... le maître... t'as laissé partir, enfin?

Kairn fut alors prit d'un rire de dément. Les souvenirs refluaient en lui, le maître, la douleur, la trahison. la fuite, le meurtre. Tous ses souvenirs se mêlaient en lui entre douleur et folie. Il avait quelques difficultés à garder la raison. Les paroles de korii l'amusaient. il avait peur. il aimait cet ascendant sur lui.

Il avait alors de grands gestes, particulièrement expressifs, contrairement à son habitude. Ecartant les bras pour se pencher légèrement sur Korii, il eut ce regard de dément qu'à quelqu'un face à une réalité telle qu'aucun esprit ne peut y résister.

"Laissé partir! Oui! Le Ver l'a pris. Je suis parti!"

Le Ver...
Tu... c'est toi? ou il... il est parti tout seul?

Enfin...

*L'elfe noir regarda ses mains bandées, et ne put cacher son sourire, fendant soudain son visage en deux. Alors il n'était plus là. Plus jamais il ne serait là. Ils ne risquaient plus rien de sa part.

C'est ensuite la joie, puis la tristesse qui apparurent.
Il se retourna d'un coup passant le bras devant ses yeux, cachant des larmes de joie immense, mais de douleur également. Il observa de nouveau Kairn. Il se savait bien plus faible sur tous les domaines par rapport à l'elfe face à lui. Plus faible, car il avait pris. Moins longtemps mais plus que lui. Pas autant que le troisième malgré tout.*

Alors... c'est bien comme ça.

Kairn retrouva un peu constance, mais gardait ces étranges gestes trop expressifs et ce sourire dément à souhaits. Ses yeux prirent une légère teinte bleutée, rien de dangereux encore, mais ça venait.

"La terre l'a aidé. A croire que la famille l'appelait."

Eh,eh merci eh,eh!

Le drow se redressa légèrement, puis repris d'une voix étrangement calme.

Alors ça veut dire... qu'on peut tourner le dos au passé. ça me va, c'est terminé...

Il observa Kairn de la tête aux pieds. Lui au moins, ses blessures ne se voyaient pas. Il avait l'avantage d'être encore "normal".

Du moins... c'est terminé pour toi...
Moi finalement c'est juste... différent. Je suis jaloux de toi quelque part Kairn.

L'attitude de kairn changea à peine. L'Océan cessa de le tourmenter et la luminescence de ces yeux cessa.

"Ca aurait pu être différent. Tu en as voulu autrement. Ta vue me ravit, petit frère. J'avais envie de te voir, petit frère. Le Ver ne t'as pas pris. C'est bien."

Il posa ses mains sur son visage comme s'il tentait de l'enlever, son sourire s'agrandissant toujours plus.

"Qu'as-tu fait, petit frère? J'ai mal, toi aussi."

Il y était il parlait de cette fois là.

J'ai eu peur Kairn. J'avais mal, j'ai pris ma liberté.

Il s'arrêta, il savait quelles conséquences cela avait engendré. Il avait laissé Kairn seul bloqué entre un cadavre et le maître.
Il recula, se prépara à lancer un sort si besoin; mais en même temps... Kairn était sans doute la seule personne qu'il ne voulait pas perdre. Il recula encore d'un pas, il avait peur, affreusement peur.

La démence de Kairn ne fit qu'empirer. Son rire devenait suraigu, brisant sa voix, diminuant son air.

"J'ai peur Kairn. J'ai mal. Je sens le froid. (nouveau rire) Pourquoi tu fais ça? Dis, pourquoi il sent comme ça? Le Ver est là, partout. Nous sommes les derniers."

Les phrases du passé, siennes ou non, ressortaient de son esprit torturé, tandis qu les souvenirs l'emplissaient telle une marée montante emplissant le creux d'un chateau de sable. Quelques gouttes de sang pelèrent de son nez.

"J'ai si mal. Tu sens la peur. Pourquoi tu fais ça? Petit frère? Petit frère? Petit frère? Où es-tu?"

Le Drow mit les mains sur ses oreilles, tentant lui aussi de calmer ses souvenirs propres. Mais il ressurgissaient, tout comme sa folie, et celle de Kairn, vagues continues, incontrôlables, le drow pleurait.

Arrêtes... ARRÊTES!
ON Y EST PU, ON Y EST PU!!!

Il releva la tête, tenta de se rapprocher et repris d'une voix toute aussi forte, presque désespérée :

Et toi pourquoi tu fais ça?

Kairn s'arrêta soudainement. La réalité lui revint enfin, comme la lumière après l'obscurité, aveuglante, mais réchauffante et rassurante. Reprenant ses attitudes normales, il tourna les yeux vers Korii. Des larmes.

"Tu pleures petit frère. pourquoi pleures-tu?"

Et il posa ses mains sur les épaules du drow, prêt à le prendre dans ses bras tel un véritable frère pour sécher ses larmes. la folie. Toujours là. Ne le lâchant plus. il vivait dans un autre monde...

J'ai pas pu faire autrement, pas pu...
Et d'toute manière même de partir ça m'a pas aidé... aidé... aidé! ils s'en foutent, c'est ma faute! c'est forcément ma faute je suis un drow, les drow tuent par nature c'est normal!

*Il n'entendit plus Kairn, c'était à son tour de se laisser rattraper. A ses yeux il n'y avait plu de rue, plus de patients... patients? non passants, dans la rue, rien, plus de manteau à aller chercher, et de toute manière à quoi ça aurait servit?

Il gardait les mains sur ses oreilles, ses pupilles complètement dilatées observaient des souvenirs flous, des emportés par les vers, un maître, un accident, une fuite, une maison, encore ces emportés, et lui, le fautif, il était forcément le fautif. Il devait les retrouver, mais il avaient été rattrapés par la Terre, et c'était forcément sa faute.

Il tomba à genoux par Terre, son visage soudain déformé par la douleur, puis la rage brute. Ses mains sur ses bras griffaient le manteau qu'il portait et protégeait sa peau de lui même.*

eh,eh ah,ah à quoi ça sert que je sois parti? des fois j'me demande!
Finalement... finalement... argh...

*Un acquis de conscience, une tentative de contact avec la réalité, puis plus rien, il restait ainsi immobile, muet, souffreteux, un parfait vivant, aux allures de cadavre.*

Coincé entre réalité et passé, Kairn entoura de son bras le petit frère, compagnon de ses jeux mortels et de sa souffrance, comme pour le rassurer. mais sa conscience s'arrêtait à lui. Les passants qui s'arrêtaient pour les regarder avec dégoût, les gardes qui cherchaient quelque chose pour faire cesser ça, il n'en avait nulle conscience. juste lui, le petit frère.

"Chhht, petit frère. il ne faut pas pleurer. il ne faut pas crier. La douleur, le mal, tu verras, on s'y habitue..."

Le drow resta un long moment, ainsi bloqué par ses peurs, ses souvenirs, immobiles. Puis les larmes le reprirent, il observa ce qui se trouvait autour de lui, des potentiels dangers, tas de chairs en mouvement, capables de lui infliger de nouvelle souffrances.

On s'habitue pas... faut partir Kairn, s'il te plaît...

Que Korii demande signifiait qu'il n'allait vraiment pas bien. Et il n'avais pas fait référence qu'à l'accident. Il ne bougea pas cependant, ayant besoin un court moment d'un peu de réconfort, quoi que glacial. Kairn était à la fois un ami, et un bourreau après tout.

Ascenkorii retrouva enfin complètement le sens de la réalité, quittant sa folie dans ce contact agréable, réconfortant. Mais il ne pouvait durer. il avait son image, dans la cité, et ce genre de faiblesse ne lui ressemblait pas. Doucement, il lâcha le drow, et regarda autour de lui, un visage dur, plein de reproches envers tous ceux qui regardaient, et une expression voulant clairement dire qu'il vallait mieux qu'ils oublient ce qu'ils venaient de voir.

Puis son visage revint à Korii, retrouvant sa neutralité naturelle, et il annonça.

"Oui, il vaut mieux ne pas rester là."

Le drow se releva bien vite aussi silencieux qu'une tombe, remit ses mains dans ses poches, et regarda autour de lui avec l'air du type qui s'est complètement paumé.

Et avec tout ça je peux pas faire ce que je voulais faire de base, c'est malin...

Il tente de prendre son air guilleret habituel, mais le coeur n'y est pas vraiment et ça se sent.

Et tu m'as pas répondu, ou alors j'me souviens pas... tu fais quoi ici Kairn? Des courses toi aussi?

"Je suis là parce que je l'ai voulu"

La phrase aurait pu paraître anodine aux yeux de n'importe qui, voire moqueuse, mais pour Kairn, elle était pleine de sens. la liberté, le choix, la possibilité de vivre comme il l'entendait. Tout ça était encore nouveau pour lui, et il en savourait chaque instant.

"Où habites-tu?"

J'm'en doute...

*Le drow soupira, se retourna, observa autour de lui...*

Je sais aller au marché, mais dans le marché je ne sais jamais ou je suis, j'ai pas l'habitude du grand air, alors admettons que ce soit... par là?? ou là?

*Il balaya la zone qui les entourait du regard, se mordit la lèvre, puis rebaissa le nez sur ses plaies de nouveau rouvertes par la neige. Il pesta puis sembla finalement choisir une direction sans grand conviction.*

Par là...

"Tu t'es perdu petit frère? Voilà un côté de toi que je ne connaissait pas. Le manque d'air pur l'avait caché, peut-être."

Kairn eut un léger rire. Sans joie, comme à son habitude. Pourtant, l'idée l'amusait. Le petit frère ne savait pas se retrouver dans une ville.

"Et comment comptes-tu rentrer chez toi?"

Pour me retrouver?

Korii esquissa un sourire, un de ces sourires spécifiques à lui, un peu étrange, voir même carrément malsain. Il observa un moment le ciel, se rapprocha de l'elfe si droit, si prestant à côté de lui, d'un air pas étrange presque chancelant, et plaça son doigt sur le tronc de celui-ci.

Eh bien mon cher, vois tu, j'ai appris la débrouillardise. De plus tu es d'accord avec moi, nous tenons en commun de notre maître une science particulièrement pratique du nom de "lecture".
Et je pense sincèrement qu'elle peut être utile. Alors pour rentrer chez moi, je vais user de ma cervelle et utiliser cette pancarte incroyablement pratique qui se trouve juste derrière toi, celle là même qu'on nomme plan de la ville.

Il se mit à sourire encore plus, d'un air bien sarcastique, appuya ses dires avec un petit soupire bruyant, puis se concentra sur le plan, suivi son parcours du doigt, le mémorisa simplement et commença à s'éloigner, n'attendant pas la réponse de Kairn, par peur du retour de bâton.

Kairn n'apprécia évidemment pas la plaisanterie. un petit sort murmuré dans le dos de celui qui avait le courage de ne pas le regarder. Une secousse, une chute inévitable. Comme avant. Marchant tranquillement, il passa près de korii.

"Une carte ne te servira pas à grand chose si tu n'arrives pas à mettre un pied devant l'autre. Je m'en vais rentrer, si tu as besoin d'autres cartes, au cas où, il y a la bibliothèque..."

Le drow se retrouva le nez dans la terre avant de comprendre ce qui lui arrivait. Il se releva avec une mine qui signifiait clairement qu'il était en colère mais son visage devint quasi inexpressif suite aux paroles de Kairn.

Bizarre... j'y arrivais y'a pas longtemps encore. Je rentre aussi on verra plus tard pour le manteau... en attendant, la bibliothèque c'est pas pour les cartes que j'irais... j'ai autre chose à chercher... mais pour le moment j'préfère rien dire.

Il se retourna et parti d'un pas plus assuré, les bras croisé, un peu plongé dans ses pensées sans pour autant avoir l'air réellement perplexe. Il semblait plus occupé par le décor, mais c'était sa façon naturelle de se mouvoir dans un milieu sans toit et sans murs grisés par le temps et la crasse.

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