Historique:
"Il n'existe que deux choses infinies, l'univers et la bêtise humaine... mais pour l'univers, je n'ai pas de certitude absolue."
(Albert Einstein)
Histrion se leva de sa chaise, sortit de sa chambre et traversa en courant le petit salon qui précédait la salle commune. Un garde le regarda, amusé, se démener avec la lourde porte en bois qui était venu se dresser sur son chemin avant de l'aider à la pousser. Le garçon lui jeta un regard amical et s'engouffra dans la grande salle. Comme d'habitude, tout le monde était là, dans le fond il percevait les Hoeggers qui prenaient leur déjeuner, dans un autre coins des aventuriers de passage s'étaient regroupés autour d'une table ronde et d'une dizaine de chopes maintenant vides. Il chercha des yeux son mentor, Epiméthé, dont les cheveux blancs, ras et la barbichette avaient le don pour passer inaperçus. Il se tenait généralement à la table de ses parents mais ceux-ci étaient actuellement en déplacement et le mentor se faisait plus discret. Le vieil homme affirmait aimer la solitude mais Histrion qui commençait à saisir les intrigues de la vie de château craignait plutôt qu'on en veuille au personnage. Un dernier regard confirma ses craintes, Epiméthé n'était pas ici.
Il traversa la grande salle, salua les Hoeggers leur passant devant mais n'accorda pas la moindre attention aux aventuriers qui le dévisagèrent un instant. Il dut encore faire appel à l'aide d'un garde pour sortir et sans perdre de sa démarche de monarque sortit dans le cloitre. Depuis le cloitre on pouvait accédez à la fois à la grande salle, à la salle d'arme et au grand hall, Histrion se dirigea immédiatement vers la salle d'arme. Il traversa les colonnades d'un pas léger presque aérien s'engouffra dans un couloir sans fenêtre. La porte du fond était grande ouverte et menait à la loge des escrimeurs. Et quand il fut dans la loge des éclats de voix attirèrent son attention. Il reconnu celle d'Epiméthé et força le pas, poussé par une curiosité renforcée. Il surprit le vieil homme discutant avec deux inconnus qu'il devinait être des mercenaires de passage au château. L'attitude de chacun des hommes était d'une extrême agressivité."Vermines, quand le duc apprendra votre vilénie, ne croyez pas pouvoir remettre les pieds ici en toute impunité, ne vous attendez pas même à trouver une demeure sur dans tout garkam!
_Ose, vieillard, ose encore nous insulter une fois et Duc ou pas, tu passera par le fil de nos épées, alors à présent fait preuve d'une peu de coopération!
_Ah pauvres imbéciles, vaniteux, vous pensez être de taille à lutter contre Epimithé!"
En l'espace d'une seconde ont entendit plusieurs lames tirées du fourreau, le mentor équipé d'une épée courte sortit son arme le plus vite et dans un geste d'une incalculable précision avait posé sa pointe de sa lame sur la gorge d'un des deux hommes. "Maintenant rangez vos cure dents et déguerpissez sinon on ne retrouvera pas même vos dépouilles!"
Les deux mercenaires le toisèrent du regard puis s'exécutèrent, et disparurent par une porte dans le fond de la salle d'entrainement. Le mentor sembla alors s'affaisser, ses épaules se voutèrent tendis que sa main toujours armée de l'épée devenue légendaire se posa sur son flan.
"Epiméthé!"
Le garçon sortit de sa cachette et vint aux coté du vieillard, lui attrapant la main."Que vous voulaient ces hommes?"
Il le regarda avec compassion et le chassa d'un geste de son bras."Ce ne sont pas les affaire d'un petit garçon comme toi, retourne donc étudier!"
[i]L'enfant et son tuteur sortirent ensemble de la salle d'entrainement, retrouvant bientôt la douce clarté du cloitre. Ils déambulaient avec lenteur et discutaient des études du jeune Histrion quand soudain, un très léger frottement attira leur attention. Epiméthé eut tout juste le temps de se retourner et d'entrevoir la silhouette noir qui se précipitait sur lui. La lame empoisonnée se planta dans son dos et aussitôt il sentit ses membres se raidir, il put seulement dans un ultime mouvement dégainer son épée courte, et fendre l'air en une attaque que l'assassin esquiva d'un simple bond en arrière. Le personnage encapuchonné regarda le vieil homme s'effondrer sans un bruit. Histrion voulut se jeter sur lui mais demeura tétanisé. A coté de lui son mentor venait d'expirer sans avoir put esquisser la moindre parade, l'homme qui lui avait presque tout apprit gisait sans vie. L'assassin sembla s'assurer qu'Epiméthé était bel et bien mort, il disparut en quelques mouvement, passant derrière une colonne. On ne retrouva jamais d'autre trace du personnage que son couteau resté planté dans le dos d'Epiméthé. Une arme et une signature.
Histrion vingt et un ans, termine enfin sa formation de jeune chevalier de l'ordre de Justin. Ses deux parents, duc et duchesse de Janiculum sont derrière lui et le toisent avec une dureté mêlée d'admiration. Son plastron argenté est impeccable, son casque sous le bras témoigne de la richesse de ses parents et ses vêtements de parade lui vont à ravir. Il est étincelant, dépassant de loin en apparence les quatre autres jeunes promus. Le duc est même certains qu'ils les dépasse dans toutes les disciplines qu'il sera donné de pratiquer aux chevaliers. Face à lui et ses frère d'arme le grand conseil de l'ordre est au complet. Cinq vieillards en armure à la mine tantôt sévère tantôt accueillante et chaleureuse. L'un d'eux s'avance vers l'assemblée et prononce le traditionnel discours initiatique. Par leur consécration les chevaliers acquièrent le statut d'homme, d'hommes libres. Il parle avec aisance, sa voix parfois s'élève et résonne dans la salle avec la force du tonner et l'instant d'après elle devient calme, posée, rassurante. Il fait quelques gestes du bras droit pour appuyer ses paroles, seulement quelques uns, son poing serré face à lui symbolise la force et la droiture, c'est les principaux thèmes de son discours et même lorsque ses mots se turent il garda la main fermée tout en retournant à sa place. Alors les quatre autres s'avancèrent, chacun vers l'un des jeunes hommes. Il s'arrêtèrent devant eux, attendirent qu'ils posent le genoux à terre en signe d'acceptation et brandissant leurs épées d'argent ils les adoubèrent, les frappant du plat de la lame sur chacune des deux épaules.
Histrion sentit le regard brulant de sa mère posé sur lui avec une émotion qu'il devinait. Il lui semblait presque percevoir la larme qui coulait sur la joue de la duchesse mais demeura impassible jusqu'à ce que les vieux chevaliers aient terminé leur bénédiction. Quand enfin ils rangèrent leurs lames et sans se détourner des nouveaux adhérants de l'ordre, regagnèrent leur places, ils purent se relever avec la solennellité qui convenait à l'évènement. Histrion lâcha un imperceptible regard à Frederic des Hoeggers, un des trois autres adoubés. Pour connaitre un peu les parents du jeune homme qui avait son âge et qu'il rencontrait aujourd'hui pour la première fois, il devinait quelle austérité il avait dut connaitre durant sa jeunesse. Ses traits déjà très marqués étaient ceux d'un homme âgé et on se doutait que son éducation avait été intransigeante.
Le conseil venait de congédier les chevaliers d'un geste des deux bras, les invitant à regagner la foule qui les étudiait depuis le début de la cérémonie. Des parents, de la famille, mais aussi des nobles parmi les plus haut placé de la cour, des curieux sans doute, mais on disait d'eux qu'il assistaient chaque année au rituel d'adoubement dans un but non innocent. Histrion regarda Frederic marcher avec lenteur vers ses parents puis il fit de même et rejoint les siens qui l'acclamaient. Puis son père voulu parler à la tribune comme la tradition le permettait. Il était d'usage que les parents félicite brièvement les chevaliers les plus talentueux.
La Duchesse à son coté il grimpa sur l'estrade, leva un bras pour attirer l'attention, le silence se fit et le duc commença à parler. Son discours avait été longtemps travaillé, cela se sentait dans sa voix exempte d'hésitation et légèrement dénuée d'émotion. Il adressa quelques félicitations à Histrion mais derrière chacun de ses mots le fils sentait les implications politiques. Il était habitué à ce genre de comportement mais ne pouvait s'empêcher de se sentir blessé. Et soudain, quand le dernier mots du Duc sortit de sa bouche et que les applaudissements s'élevaient et crépitaient, comme sortit de nul part, le carreau siffla au dessus de sa tête et devant l'interdiction générale se planta dans la poitrine de la Duchesse. Il ne comprenait pas, que s'était-il passé? Sa mère vacillait et chutait dans les bras de son mari tendis qu'une auréole pourpre se dessinait sur sa robe. Histrion aurait crié si la stupéfaction ne le prenait pas aux tripes et lui donnait l'envie de vomir. Ses yeux écarquillés ne pouvaient se détacher de la scène atroce. Il se sentit bousculer, emporté par une vague de panique qui frappaient tout le monde autour de lui. Puis il réapparut, ce personnage à la silhouette indécise, au capuchon sinistre et noir. Il se posa comme un corbeau maléfique sur l'estrade, égorgea d'un simple crochet un des chevaliers venu aidé le Duc et se rapprocha du couple Ducal.
La colère, une rage incontenable s'empara de lui quand il comprit l'intention de l'assassin, il tira son épée et escalada l'estrade d'un bond. Il bouscula un noble sur son passage, écarta ceux qui semblaient vouloir le protéger de l'homme en noir mais la haine décuplait ses forces.
L'assassin était à présent penché sur le Duc, on ne voyait pas ses geste mais on comprenait, on espérait. Histrion se jeta littéralement sur lui, entrainé par le poids de son équipement. L'assassin se déroba au dernier moment, échappant à son assaut, Histrion trébucha alors sur le cadavre de son père et quand il reconnu la dague qui avait tué son mentor dans la poitrine de son père une larme vint perler sur sa joue. Il se releva promptement. L'assassin avait encore tué un chevalier dans sa fuite et il escaladait une colonne de pierre avec l'agilité d'une araignée.
Histrion avait la foule contre lui, son visage empourpré traduisait toute sa détresse tendis qu'il se battait contre ceux qui lui bloquaient l'accès malgré eux. Il grimpa quatre à quatre les marche qui menaient à l'étage, emprunta un couloir, un suivant, savait que l'assassin était passé par là à l'instant. Il le rattraperait, il se l'était juré et comme pour renforcer sa détermination l'image de sa mère s'effondrant lui revint à l'esprit, encore et encore. Et bientôt elle fut remplacé par Epiméthé, qui s'écroulait sous le regard satisfait de l'assassin.
Il arriva sur les remparts, deux gardes gisaient au sol, la gorge béante. Ils gémissaient encore et Histrion devinait que l'assassin n'était pas loin. Il était même certainement juste à coté. Il s'approcha des créneaux, et passa sa tête au travers pour observer les douves et la rue en contrebas. Une silhouette noir avançait, se faufilait et sautait de toits en toits. Une ombre furtive qui disparut bientôt de son champ de vision.
Sous l'effet de la colère il jeta son épée avec force, écrasa son poing sur la pierre dur et tomba à genou. Il avait échoué, et cet homme lui avait dérobé deux nouvelles vies...