L'art justifie les moyens

Voir Hoc rentrer seul avec sa tête des mauvais jours fut une surprise alarmante pour les deux frères restés à la boutique et qui, connaissant un peu la facilité de Modamar au meurtre, il n'était pas difficile d'imaginer que leur incroyable patron se soit fait coincé. Bien sur il n'en était rien aussi parurent-il soulagé quand leur frère leur dit dépité qu'il n'y avait pas de contrat possible avec la caserne. Léger quiproquo qui renfrogna Hoc un peu plus pendant quelques minutes avant que Modamar ne rentre de lui même. Le carnophage semblait d'une humeur massacrante, il avait visiblement très faim et une dague trainait encore dans sa main ce qui était mauvais signe. Foc qui avait sans grand succès tenté de se mettre au cannibalisme dans le désir de ressembler à son idole le Carnophage avait entamé un cadavre frai et avait par chance un bras à côté de lui. Dans un geste à la fois tendre et craintif il tendis la pièce de chaire à modamar qui l'attrapa en maugréant un "merci" presque inaudible. Il arracha de pleines bouchées de chaire se plaignant intérieurement de la viande morte.

L'art justifie les moyens Po_mi_m_ud028_h

"Les enfants de la victime, qui avait 75 ans, ont demandé à ce que seul son squelette soit utilisé dans la fabrication d'oeuvre d'art, le certificat est là, tu peux y aller autant que tu veux on utilisera pas cette viande de toute façon"

Visiblement Foc l'encourageait à manger mais savoir qu'il avait de la viande vielle de 75 ans dans la bouche l'aurait plus facilement fait gerber. Modamar essaya de l'ignorer ce qui était plus facile qu'ignorer sa faim et continua à manger de plus belle. C'était la première fois qu'il mangeait en "publique".Cela ne l'avait pas frappé tout d'abords mais après réflexion il ne savait pas si cette familiarité avec ces trois hommes était nécessaires. Il fallait avouer que tous trois étaient assez particuliers, des vagabonds anti-système, anti-convention, chacun plus ou moins artiste et tous-trois adeptes de valeurs libertines, pacifiques et souvent contradictoires. Modamar appartenait malgré lui aux quelques bizarreries qu'ils avaient décidé de vénérer au point de fonder leur propre religion. Il ne pouvait s'empêcher de les considérer toujours comme des hommes, en somme, de la nourriture sur pattes.

Modamar repus, lui et Foc s'enfermèrent dans la tente annexe qui servait à la fois d'entrepôt et de fabrique. Ils commencèrent à dépecer le cadavre tout en étudiant un peu son anatomie. Modamar ne tarderait pas à référencer toutes les parties du corps humain, les nerfs les organes le circuit sanguin, à force de bouffer de l'homme il avait emmagasiné des connaissances dignes d'un chirurgiens, ce qu'il ne tarderait pas à prétendre être. En attendant son attention était rivée sur ce corps. La vieillesse avait fripé et craquelé la peau, les muscles étaient flasques et par endroit atteint de gangrènes datant surement du vivant de l'individu. Des gangrènes qui ont certainement précipité sa mort.

"Euarg, moi avoir bouffé viande pourrie, moi savais, viande vraiment dégueu toi plus jamais donner moi viande de grand père!
_Oh je croyais que tu bouffais de n'importe quoi tant que c'était pas du légume, chui désolé"

En accord avec la vieillesse de la matière première, le squelette était dans un sale état. En plus d'avoir mal vieillis, plusieurs fractures plus ou moins récentes et plus ou moins grave étaient dénombrables. Certaines avaient probablement étés faites en déplaçant le cadavre.
Les organes avaient été entassés dans un espèce de grand récipient artisanal visiblement fait maison avec des résidus de corps d'origines inconnue. La viande avait été entassé à coté même si elle ne serait surement pas utilisée. Même la peau était dans un trop mauvais état pour être utilisé.

"Nous pas tirer grand chose de ce cadavre.
_On en fait quoi? un squelette classique ou une sculpture?
_Sculpture, os trop fragile pour squelette."

Ils enlevèrent avec une attention minutieuse les derniers lambeaux de chaire, de nerfs et de tendons puis lavèrent le squelette avec de la neige fondue ( de l'eau quoi ). Avant de se mettre à la confection de l'oeuvre ils observèrent un peu leur squelette, il y avait tout de même de quoi faire un bénitier pour fontaine de taille acceptable, ou alors une sculpture animalière. Oui pourquoi pas, c'était l'occasion de mettre un nouveau produit en exposition. Ils séparèrent les os uns par uns, entassant les plus petites qui serviraient pour les finitions et mettant de coté les pièces qu'il utiliseraient en premier. Une fois le désassemblage du squelette fini il fallait s'occuper de l'assemblage de la statue. Foc apporta un rondin de bois coupé dans le bois le plus proche pendant la pitoyable mission diplomatique de Modamar et Hoc. Poc et Foc, soucieux de se rendre utiles en l'absence de client s'étaient absenté une ou deux heures pour couper un arbre. Ils auraient donc à tailler le socle avant de créer leur oeuvre. La encore ils étaient très démunis. Ils ne possédaient aucun outils spécifique à ce travail et devaient s'occuper de ça à la hache. Modamar avait développé une dextérité dans ce domaine que Foc en raison de sa faiblesse n'aurait jamais. Il fallait en fait seulement découper un pavé droit dans le rondins.

"Ah ça irait bien mieux avec une scie"

Pendant que Modamar finissait le socle Foc avait commencé à lier des os avec de la ficèle faite de nerfs créant un début de buste. Modamar posa le socle et prit quelques os à broyer pour faire un ciment. Sans même se concerter chacun des deux agissait sur l'oeuvre en construction ajoutant ici un os, là un peu de plâtre, fixée sur son socle la statue, compacte, prenait lentement de la hauteur et on pouvait de plus en plus s'interroger sur ce qu'elle représentait. Etant rapidement à cours de matériaux ils ajoutèrent un peut de tout ce qu'ils avaient à porté, notamment des reste d'un cadavre de porc qui trainait et qui se retrouvèrent disséminés un peu partout. La statue faisait à présent plus d'un mètre cinquante, c'était un bloc hétérogène qui ne ressemblait absolument à rien.

"Et bien en voilà une qui est pas prête de partir, on dirait un excrément de hibou mal digéré
_Bof, on mettre masque ici pour faire tête et ça être un monstre des neiges...
_eum ... mais... Oh mec t'es vraiment un génie, fait voir, ce masque là, ou celui là peut-être... oui tout à fait c'est exactement ça, incroyable t'es un dieu, c'est vraiment ressemblant... bon toujours aussi moche mais.. j'adooore !!"

Foc? Foc a t'es là on a entendu des cris on ne savais pas...
_Eh les gars vous tombez trop bien, vous pouvez assister à une nouvelle merveille artistique, regardez moi ça!

Hoc et poc venaient d'entrer dans l'entrepôt, dehors il s'était mis à neiger drus et ils avaient encore quelques flocons dans leurs cheveux. Poc avait une lourde hache en main, il se tenait juste derrière son frère et semblait comme soulagé. Ils firent tous deux quelques pas, Poc posa la hache et apercevant au milieux du capharnaüm de la tente une nouvelle sculpture il s'approchèrent pour mieux l'observer. Hoc avait toujours son sourire amusé mais poc semblait un peu dubitatif.

"Je pari que c'est un nain en colère"

Poc rit lui même de sa blague accompagné d'un très léger gloussement de Hoc et un rire franc de Foc qui se tapa les mains sur les genoux.

"Je vous présente, l'horrible créature des neiges!
_Pour être horrible c'est horrible"

Une vague de rire parcouru encore l'assemblé à l'exception de Modamar qui ne comprenait pas trop leur humour. Pour ne pas se sentir trop à l'écart il essaya de les imiter sans grand succès, il poussa un espèce de hurlement strident et saccadé puis se planqua dans un coin d'ombre. Il se rendait compte encore une fois que ses longues années d'errance l'empêchaient de gérer des situations aussi banales que la vie en communauté. Il pourrait beaucoup apprendre de ces trois frère aussi il fallait absolument qu'il arrive à ne pas s'attaquer à eux, malgré lui, malgré sa malédiction sans quoi il ruinerait la totalité de ses plans d'avenir. Un sourire forcé et gêné sur les lèvres il réapparut aux frères qui le fixaient avec un mélange d'étonnement et de fascination. Hoc s'avança un peu en contournant la statue puis Foc qui n'avait pas bronché. Les deux autre se lancèrent un regard interloqué mais pas inquiet. Sans connaitre Modamar il savaient qu'un homme tel que lui pouvait être soumis à des réaction qu'ils n'expliquaient pas, ce n'est pas pour rien qu'ils en avaient fait leur idole.

"Phage, j'peux t'appeler Phage? ça va?
_oui, oui moi juste rire"

Comprenant subitement à quel point il était ridicule il émit un gloussement, les visage se détendirent subitement. On haussa quelque peu les épaules, échangeant des paroles sans signification, puis Hoc leva les bras, signe qu'il avait à parler, son message semblait important.

"Eh grande nouvelle les gars, on a eu notre premier client, il nous à commandé des choppe pour la bière, en os !

Quelques cris de joie, de nombreux sourires, un client, un seul, c'était déjà si beau. Avec de la chance ce ne serait pas le dernier, et si Aspic 2000 parvenait à prendre de lui même son essor cela simplifierait grandement le plan. Une seul question cependant, une objection surtout ramenant à un niveau bien plus matériel la petite assemblée:

_En voilà un original, on va faire ça comment?
_Vous avez fait une statue de l'horrible créature des neiges, quelques choppes ça va pas vous tuer!
_Combien de choppe? Et combien cela rapporter?
_25 choppes pour 2000 po"

Ce n'était pas totalement faut, des choppes ce n'était pas la mer à boire, même si pour la plupart il ne savaient pas ce que cela signifiait. Les deux artistes n'avaient néanmoins pas vraiment d'idée sur la conception d'un tel objet. Il apparaissait que le plus simple serait la confection d'un moule dans lequel ils verseraient un ciment et des osselets, il ne leur resterait alors qu'à faire les finitions. Pour ça ils avaient surement des os pré sculptés. Pour le moment ils avaient envie d'un peu de repos pour chacun la journée avait été dure. Modamar sortit sous la neige sans se préoccuper de ses vendeurs, contrairement à ses premières estimations les premiers clients étaient arrivés, sans être le signe d'une quelconque prospérité futur c'était déjà une assez bonne nouvelle. Demain en plus de d'aider Foc à construire ces choppes il accompagnerait Hoc qui avait découvert la formation de nouveaux commerces auxquels Aspic 2000 pourrait se lier. Passer des contrats avec la plupart des artisans de Néolias faisait parti du plan, ce qu'il ne fallait pas négliger malgré tout.

Modamar venait de rentrer dans la boutique, Hoc assit derrière le comptoir semblait somnoler, en s'approchant il constata que ce dernier dormait vraiment, un petit tas de pièces trainait sur le comptoir, mais pour le reste, la boutique n'était que silence. Poc et Foc avaient certainement rejoins leurs tentes respectives derrière l'entrepôt, il attendrait. Depuis un petit moment il entendait sans cesse des pleurs, il mit du temps à comprendre qu'il s'agissait simplement de sa dernière victime. Téreise avait commencé à la consolé tendis que Judith qui ne souffrait pas de l'heure tardive en avait profité pour l'insulter, elle serait bientôt rejoins par la majeur partie des âmes qui trainaient dans sa tête, suffisait d'attendre qu'elles apprennent les nouvelles horreurs qu'il venait de perpétrer.

Sa première action de la nouvelle journée fut de massacrer les rats qui l'avaient suivit qui étaient à présent près d'une dizaine. Il leur brisa le coup et les entassa dans un coins de la remise. Hoc assista à la fin de son "nettoyage" il n'était visiblement pas tout à fait réveillé, des cernes lui soulignaient les yeux, il réprima un bâillement puis retourna dans la boutique. Attendant foc, il prépara un ciment à base d'os en quantité suffisante, espérait-il, pour faire 25 choppes, puis réunit des ossements susceptibles d'être utilisés. Il attendit encore. Et encore un peu, toujours pas de foc, pourtant sa voix n'était pas loin. Il sortit de l'entrepôt. Dehors, une large cour permettait l'exposition de pièce véritablement imposantes, tels que la crypte en os ou bien la statue de Dragon, ils avaient également aménagé un petit terrain d'entrainement pour nécromanciens où quelques squelettes jonchaient le sol. Hoc et Foc, les deux "magiciens" du groupes n'étaient encore que des apprentis en la matière et bien que spécialisés dans le cycle de nécromancie, il n'étaient pas en état de donner des cours, aussi le terrain leur servait plus à eux qu'aux clients. C'est là qu'ils étaient tous. Ils avaient monté une table et mangeaient tout en discutant. Foc le voyant arriver lui fit signe de s'assoir avec eux.

« Ah t'arrive pile à l'heure pour le petit déjeuner, on a du pain plus très frai, du beur, des oeufs et de la viande séchée, sers toi »

Il avisa une quatrième chaise vide qui semblait l'attendre, il devait avouer que cela faisait un moment qu'il ne s'était pas servit d'un objet pourtant aussi banal. Il s'assit, observa un instant les trois frères qui tout en mangeant parlaient de tout et de rien mais plus particulièrement de la société Néolienne. Il se décida à prendre discrètement une tranche de viande séchée, puis ayant jugé qu'il avait été assez civilisé pour la journée, retourna dans la boutique voir si il y avait des clients à servir. Evidemment à une heure si matinale son travail consista à attendre une dizaine de minutes derrière les comptoir. Hoc vint le relever tendis que Foc l'invitait à aller travailler dans l'atelier.

Le ciment qui était déjà assez compacte avait légèrement durci en surface, et même si cela n'était pas signe d'une baisse de la qualité du produit, Modamar jugea qu'ils devraient se dépêcher. Le moule choisi par les artistes n'était autre que des trous creusés à même le sol et des pommes de terres pour former la cavité. Artisanal pour artisanal, les trous furent creusés à l'aide de cuillères en os qui eurent tôt fait de prouver leur manque de résistance. Ils pestèrent en voyant leurs ustensiles leur péter dans les mains au bout du second trou. Ils durent vite adapter leur technique mais finir de creuser assez rapidement. La partie la plus dure du travail étant terminée ils n'eurent qu'à remplir les moules et à laisser prendre leur ciment. Modamar devait pendant ce temps accompagner Hoc qui comptait passer divers contrats dans la journée.

Foc avait passé l'après midi à terminer les chopes, le travail sans être très fatiguant était suffisamment minutieux pour altérer légèrement l'état mentale. Aussi n'était-il pas extrêmement enclin à aller livre sur le champs toutes ces oeuvres, chacune uniques, que son adoré maitre n'avait pas daigné faire avec lui. C'est Hoc qui le poussa à la tache, le vendeur fétiche venait de compromettre sérieusement le plan n'ayant réussi à passer aucun des contrats prévus, son état de nerf similaire à celui de son frère manqua d'engendrer une dispute mais ces hommes d'esprit étaient capable de suffisamment de retenue pour contourner les conflits. Aucun d'eux ne comprenait la démarche de leur compagnon et guide, Modamar qui avait subitement disparut.

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