Reveil difficile

Il était tard, la nuit avait depuis longtemps recouvert Néolias de son long manteau d'obscurité. La nuit était calme, froide, comme toujours en Garkam, et, seul un endroit semblait en proie à une activité anormale. Il s'agissait du manoir royal, ou de nombreuses lampes à huile étaient encore allumées.

En effet, à l'intérieur du manoir, nul être vivant ne semblait se rendre compte que l'heure était venu de se coucher, de fermer les paupières et d'oublier les tracas si nombreux de la vie. Non, même à cette heure avancée de la nuit, nombre de serfs couraient à travers les couloirs, échangeant rumeurs et coups d'oeils affolés. Et, sur chaque mur de pierre nu qui composait le manoir, résonnait les mêmes paroles : "Elle est tombée, la fièvre est tombée..."

Sir Bogard ouvrit les yeux. Il ne fit pas un bruit, restant à l'écoute du moindre mouvement. Il y avait quelqu'un ou quelque chose dans sa chambre, il en était sur : Son instinc ne le trompait jamais. Un mouvement brusque se fit sur sa droite. L'être était près, tout près. D'une vive rotation du bras, il attrapa la fine dague d'acier qu'il cachait sous son oreiller. Il plongea hors de son lit et rentra tête la première dans la chose qui l'avait reveillé. C'est en entendant le gémissement de peur qui s'échappa de la personne que Bolgar reconnut Jermin, un de ses serfs.

"Jermin... frappe avant d'entrer si tu tiens a garder ton crâne sur tes épaules."
"Maître... j'ai frappé à la porte maître, mais vous n'avez pas répondu..."
""C'est que j'avais besoin de sommeil, il fallait me laisser dormir"
"Maître... c'est Sir Beleren qui m'envoit. Il faut que vous alliez immédiatement au palais, c'est très important"
"Au palais ? Mais... pourquoi ? Que se passe t'il ?"
"Je n'en sais pas plus mon seigneur"

Bogard était un homme de combat, habitué aux conditions difficiles des batailles. Et en moins de 10 courtes minutes, il était en armure, complétement reveillé, en train de seller son cheval. De nombreuses questions se bousculaient dans sa tête : pourquoi le reveiller à une heure si tardive ? Que voulez donc son collègue Beceren ? Quelle affaire de Néolias pouvait bien être assez urgente pour qu'on lui demande de venir immédiatement.
C'est sur ces nombreuses questions que Bogard partit au galop, tentant de rejoindre le plus rapidement possible le manoir royal ou un suprise de taille l'attendait.

Bogard entra dans la chambre royale en trombe. Il ne pouvait croire à ce qu'on venait de lui dire. La fièvre du roi commençait à tomber... c'était incroyable. Si Mininus se reveillait, Bogard voulait être à ses cotés. Bien sur, il risquait de perdre de nombreux pouvoirs, mais le roi était depuis longtemps l'un des hommes qu'il respectait le plus. Il fallait qu'il soit là lors de son réveil.

Ses yeux se posèrent sur le visage qui dépassait des couvertures. Jeune, séduisant, il portait néanmoins les marques d'une vieillesse accelérée, comme si Mininus n'avait pu profiter pleinement de sa jeunesse et vait du vieillir prématurément. Il respirait difficilement, et remuait légèrement dans son sommeil. Bogard s'approcha d'un des clercs qui murmuraient au chevet du roi, lui apportant prières et remèdes.

Avant qu'il n'ai pu poser la moindre question, le clerc se retourne et lui dit:
"La fièvre tombe, mais je ne sais pas si c'est une bonne nouvelle... il semble en proie a un combat intérieur, et nous ne pouvons rien faire à ce stade. Il n'y a que lui qui peut décider de son sort à présent."

Bogard attrapa un tabouret qui traînait un peu à l'écart. Ôta son pourpoint qui le serrait, et s'assit, prêt à attendre le moindre signe qui indiquerait si son roi allait, oui ou non, reprendre son trône.

Alors que ses paupières se fermaient lentement, Bogard sentit une pression sur son bras. Les dernières bougies s'étant consumées depuis bien longtemps, seule l'obscurité était visible dans la pièce. Bogard chercha à tâton, sur la table à se droite, une chandelle et un briquet. Au bout de quelques minutes, un faible crépitement se fit entendre, et la mèche d'une bougie s'alluma. Bogard la porta alors au chevet du roi.

Ce dernier respirait difficilement, par râle, et d'une main cherchait quelque chose sur ses couvertures tandis que de l'autre il tenait fermement Bogard par le bras. Et c'est alors qu'il ouvrit les yeux.

Bogard, se mit à genoux et remercia Melindaë intérieurement. Il allait se lever pour chercher un clerc capable d'aider Mininus, mais la pression sur son avant bras se fit de plus en plus forte. Le roi murmura alors :

Arafie... apporte moi Arafie.

Quelques minutes plus tard, Bogard revint dans la pièce, tenant la lame, d'une trantaine de centimètre, soigneusement enroulée dans un linge blanc. Il le déroula et posa l'épée sur le ventre de Mininus. Ce dernier la saisit, ferma les yeux, et plongea dans un sommeil, un long et lourd sommeil, ou mort et cauchemards sont absents. Pour la première fois depuis longtemps, Mininus prenait du repos.

Quelques heures plus tard, alors que le soleil se léverait, on crierait dans tout Néolias : "Le roi s'est éveillé !"

Pour la première fois depuis bien longtemps, le pâle soleil de Néolias frappa le viasage de Mininus de plein fouet. Le jeune roi se délécta de la morsure du vent qu'il avait si souvent maudity autrefois. Il se régala du froid qui engourdissait ses muscles. Ses yeux balayèrent les rues et les bâtisses de se ville. Peu de choses avaient changées. Bien sur, de nouvelles maisons étaient apparues, et la population semblait plus nombreuse que jamais. Mais les habitants vaquaient toujours à leurs occupations respectives, insouciants du mal qui les rongeait de l'extérieur.

Mininus avança non sans difficulté dans les ruelles de Néolias. Le manque d'activité avait quelque peu atrophié ses muscles qu'il jugea mous et endoloris. Un entraînement lui ferait le plus grand bien. Bogard lui avait parlé du mur des recherchés, nouveauté qui ne manquait pas d'interesser le roi. Peut être irait il y faire un tour, et essaierait de voir quel ennemi il serait susceptible de capturer. L'adrénaline commença à monter en lui, en même temps que la joie de pouvoir repartir, comme au bon vieux temps, à l'aventure. Mais l'heure n'était pas encore aux hauts faits d'armes. Aussi, il se dirigea vers la bâtisse du maître d'armes, un vieil ami...