La neige crissait sous ses pieds. Malgrè le soleil printannier qui luisait de plus en plus fort, apportant chaleur et lumière à ce monde, le manteau blanc qui couvrait le sol, semblant de pureté en ces temps de souffrance et de destruction, tenait encore fortement. Ses pas l'avaient porté au loin, bien plus loin que nul ne pouvait l'imaginer, au délà des chemins du corps, par delà l'esprit et les sens.
Ses yeux, autrefois changeant, se posaient avec douceur sur cette ville. Sa ville. Il n'en était pas natif, n'avait jamais réellement fait quoi que ce soit pour elle. Il s'était contenté de mourir. Encore et encore.
Son regard au bleu d'Azur, au vert marin et au rouge sang errait sur les tentes et les toîts des maisons.
Telles les trois couleurs qui dansaient dans ses pupilles, son esprit passait d'un quartier à l'autre, touchant les êtres qui vaquaient dans ces ruelles étroitres, évitant les flaques et les excréments.
Tant d'êtres, tant de taches. Qui était il parmi eux ? Fêtu de paille porté par le vent de son destin. Fil arraché à la Tapisserie de ce monde, être sans racine mais non pas sans source.
Il savait désormais qui il était et où il allait.
Portant deux doigts de nacres à ses lèvres, il émit un long sifflement, presque une plainte. Deux formes sombres sortirent des buissons. Deux loups à la fourure noire et aux cicatrices écarlates entourèrent l'être. Leurs pattes, telles une douce brise, ne laissaient aucune empreinte sur la neige.
Il leur accorda un regard, plein de compassion, de tendresse, peut être même d'amour.
Puis il descendit vers la ville.
Ce qu'il ressentit en passant entre les tentes décrépies et les rares maisons de bois ne ressemblait en rien à ce qu'il avait pu imaginer ou rêver. Il avait cru pouvoir être détaché, distant, abstrait. Il était simplement ému.
Les souvenirs affluaient. Lointains et pourtant si récents. Ici l'entrepôt où il avait combattu les hordes mortes-vivantes. Là la caserne, lieu de tant de discussions, et surtout de beuverie avec des amis chers à son coeur, tels Eurynhom, Urzak, et parfois Mininus.
Enfin il arriva devant ce qui avait été son "chez lui".
" Long furent les jours. Loin fut le lieu. Et le temps et l'espace maintenant se distordent et se rejoignent, ici, maintenant. "
Devant la boutique depuis maints jours fermés, devant sa maison si longtemps vérouillée, Echtelion sortit son ocarina, cet étrange objet qui lui avait permis tant de choses et lui avait valu tant d'ennuis, et une fois encore il le porta à ses lèvres et souffla.
Ses doigts jouaient sur l'instrument d'ivoir.
La musique s'éleva, telle un chant, plainte de la terre, écho du ciel et complainte de la vie. La Mort elle même, désormais sa maîtresse, s'unit à ce chant, fesant entendre sa voie ancestrale et si profonde.
Et les notes s'élevaient dans le ciel bleu, infléchissant la courbe des nuages, fesant chattoyer le soleil et rendant sa pureté à l'endroit.
Echtelion, Maître Forgeron, Elfe des Temps Anciens, Combattant de Neolias et maintenant Paladin d'Agni Dagnir était de retour chez lui.
Sujet: Enfin de retour